Olivier Magnan

« BRAQUAGE DE NEURONES ! TU MEURS ? » de Phil Marso - Ed Megacom-ik

Le 1er livre sur la prévention des dangers du téléphone portable pour les ados

Sortie le 6 février 2009 - Disponible en librairie - Communiqué de presse

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« Le téléphone portable, dangereux sous tous rapports ? »

Olivier Magnan, chroniqueur scientifique sur BFM (1) et ayant dirigé plusieurs magazines informatiques a été amené à traduire l'ouvrage de George Carlo «Téléphones portables : oui, ils sont dangereux» (Editions Carnot). Le rendez-vous est fixé au drugstore des Champs Elysées et, par miracle, aucune sonnerie intempestive reviendra nous déranger pendant l'interview.

Sont-ce vos compétences de traducteur ou une connaissance scientifique qui vous a amené à vous occuper de la version française de "Téléphones portables" du Dr Carlo ?

Olivier Magnan : C'est une opportunité comme il en arrive dans ma vie de journaliste. Je suis de formation littéraire et non scientifique. En revanche je suis passionné par la science et la technologie appliquée. J'ai dirigé plusieurs magasines informatiques, professionnels, grand public, Internet. Après, c'est un concours de circonstances. J'ai rencontré l'éditeur qui souhaitait éditer cet ouvrage qu'il avait obtenu par son circuit américain. J'adore traduire. L'ouvrage m'intéressait car je tiens une rubrique scientifique sur BFM.

Étiez-vous en contact permanent au téléphone mobile avec le Dr Carlo ?

O.M. : Jamais ! Je ne sais même pas s'il est au courant qu'il existe une version française de son livre. Au contraire, je me suis intéressé à la CTIA.

La CTIA représente quoi aux Etats-Unis ?

O.M. : La CTIA est le grand lobby américain qui regroupe tous les constructeurs de téléphone et les fournisseurs de service. A la tête duquel se tient Thom Wheeler dont le Dr Carlo est devenu l'ennemi intime. J'écris via e.mail à la personne qui est chargée des relations presse. Moi qui suis réactif, je suis surpris d'avoir une réponse aimable dans la demi-journée qui suit. Elle commençait par : Dear Olivier. Ça marche comme ça aux Etats-Unis. Elle me répond : merci beaucoup de vous intéresser à la question du téléphone portable. L'ouvrage du Dr Carlo est en ce moment à l'étude chez nous. Nous vous donnerons une réponse quand nous aurons terminé de l'analyser. C'est une façon de botter en touche, mais correct. Je traduis l'ouvrage. Je reviens à l'assaut quelques mois plus tard. Cette fois-ci,  je tombe sur la vice-présidente en charge de la communication. Elle me dit : Olivier, merci de vous intéresser à la CTIA, au téléphone portable ect. Que souhaitez-vous savoir à propos de l'ouvrage de Carlo ? Eh bien, Madame… Comment réagit la CTIA aux propos de Carlo ? Ecoutez, nous sommes en train d'analyser etc. C'est une façon complète de noyer le poisson de la part de la CTIA. Je n'ai jamais pu obtenir d'eux la moindre réponse sur le fond.

Quand j'ai publié "Tueur de portable sans mobile apparent" (1999), je l'ai envoyé à SFR Magazine. Mon interlocutrice de l'époque ma répondu : " On en parlera si c'est favorable ". On a l'impression que cette industrie qui a tout de suite eue un marché porteur craint d'en perdre les bénéfices à la moindre information pour la santé du consommateur. Comment expliquez-vous que l'industrie du GSM ait une attitude arrogante ?

O.M. : On le sent dans le récit de Georges Carlo. Tom Wheeler à la tête de ce consortium avait l'immense peur que le grand public ne prenne conscience qu'il exposait sa santé. Un peu comme le tabac, la réaction de la masse : " On n'est pas pressé… Le tabac tue lentement. Ça tombe bien" tarde à venir. Mais aux Etats-Unis, ils sont accros du sanitaire à la santé et aux risques que courent les populations. Wheeler craignait les réactions politiques. L'effet en chaîne peut être gravissime : les autorités sanitaires américaines étaient capable d'interdire du jour au lendemain les téléphones cellulaires, les licences.

Peut-être aussi que les Américains sont capables de se mobiliser plus rapidement pour boycotter un produit.

O.M. : Non seulement la réactivité est très forte dans ce pays, mais le consumérisme est né là-bas avec le fameux chef de file des consommateurs,   Ralph Nader. Les Etats-Unis guident en sous-main les standards du monde entier.

Le député Aschiari a déclaré sur France Inter en substance qu'il trouvait inacceptable qu'un scientifique travaillant pour le compte de l'industrie GSM puisse trahir ses employeurs. Qu'est-ce que vous inspire cette profession de foi très politicienne de la part d'un élu chargé d'un "groupe d'études Santé Environnement" de l'Assemblée nationale ?

O.M. : C'est très symptomatique. En France comme aux Etats-Unis existe tout un lobby qui intéresse la sphère politique. Dans le cas de ce député, que je ne le connais pas,  il semble surprenant s'il est chargé d'une mission d'information qu'il puisse s'avancer dans ce sens, sans prendre la moindre précaution de savoir qui était Carlo et pourquoi il a eu cette attitude ?

Le député Aschiari sous-entendait qu'à partir du moment où un chercheur touche un gros chèque, il ne doit pas reconnaître ses erreurs.

O.M. : Incroyable ! C'est exactement ce qu'a dit la CTIA à Carlo. Je suis persuadé d'une chose, Carlo est un homme sincère. Il est naïf. Il le dit lui-même : "Je croyais rester indépendant ". C'est une naïveté comme seul un scientifique américain peut en être atteint. C'est vrai, tout le monde peut le soupçonner, y compris ce député. Il a, entre guillemets raison. C'est un réflexe français. En France, on ne peut pas être à ce point naïf. Si on a touché de l'argent, alors on ferme sa gueule. Aux Etats-Unis, un chercheur de haut niveau qui encaisse de l'argent peut l'ouvrir. L'argent n'est pas tabou. Le fait que Carlo n'ait pas le sentiment d'avoir été acheté me semble tenir la route. Mais pour un député français, qui dit rétribution dit devoir de réserve...

Concernant le danger d'être exposé aux antennes relais GSM, les opérateurs disent maintenant qu'il n'y a jamais eu de problème avec les pylônes TV, radio. Alors pourquoi devrait-on s'inquiéter du GSM ? Comment réagissez-vous à cette méthode de communication ?

O.M. : On rejoint complètement la problématique exposée par Carlo. Le téléphone portable existe depuis 1990 environ. Carlo l'étudie depuis 1993. Des micro-ondes nous traversent en permanence. Jusqu'à présent, les hôpitaux ne sont pas remplis de victimes directes du téléphone cellulaire. On verra d'ici à une quarantaine d'années...

Un peu comme l'amiante…

O.M. : La maladie et la cause ne sont pas clairement définis, sagissant le téléphone portable. La FM et les micro-ondes des téléphones GSM ne fonctionnent pas sur les mêmes fréquences. On a vu avec les expériences du Dr Carlo que seuls les pics de fréquences émanant d'antennes peuvent au contact du crâne se révéler nocifs. Mais un diagnostic simple et direct n'est pas possible : quantité de facteurs doivent être pris en compte : l'individu, le contexte, l'antenne, le portable, etc. A partir des expériences menées sur les rats et les cellules sanguines, on s'aperçoit que, dans certaines conditions (fréquence, chaleur, etc), on observe des désordres génétiques. C'est clair, net ! Seulement, il faut que ça porte sur la durée. Carlo estime que dans une vingtaine d'années, on en connaîtra les premiers effets. En revanche, d'une façon plus rapide, surgissent les effets sur les stimulateurs cardiaques. Comment peut-on proclamer l'innocuité des portables alors que les hôpitaux interdisent le cellulaire ? Même chez BFM, on déconseille le portable. Il y a bien un effet. Concernant les antennes relais GSM, je ne pense pas que des protocoles de mesures aient été définis. Tout le monde cherche. Tant qu'on ne l'aura pas établi, on n'en saura rien.

Carlo raconte qu'il a mis plusieurs années pour mettre au point des outils pour mesurer l'innocuité du téléphone portable. Pendant toute cette période il doit rencontrer des chercheurs spécialisés en électromagnétisme. Les journalistes pensent qu'il fait traîner les choses.

O.M. : Oui ! On le soupçonne d'être un homme de paille de la CTIA. Carlo a eu le courage d'aller jusqu'au bout de sa logique scientifique.

L'industrie GSM me fait penser à une entreprise lançant un jouet pour Noël, mais qui n'a même pas été contrôlé pour vérifier s'il respecte les normes de sécurité. N'est-ce pas affligeant pour une industrie de pointe ?

O.M. : Carlo se pose la même question que vous. C'est incroyable que la "Food & Drug, Administration Américaine", qui a la haute main sur les autorisations de mise sur le marché, n'ait pas réagi. En revanche, cette même "Food & Drug" va s'acharner sur un médicament. C'est à partir du moment où une substance est ingéré dans le corps, on veut savoir si c'est inoffensif, on le teste. En revanche, dit Carlo,  un appareil que vous mettez contre votre tempe ne suscite pas le même réflexe. Ils n'ont pas compris que c'était un autre mécanisme d'ingestion. En conclusion, c'est un effet conjugué de manque de compréhension du phénomène de la part des autorités en charge d'établir des normes.

L'épisode du pacemaker est assez révélateur puisque la CTIA met en doute des études européennes. Pouvez-vous me relater les faits ?

O.M. : La CTIA effectivement a disqualifié certaines études européenes au prétexte que nos GSM sont numériques et non analogiques comme aux USA, à l'époque. Cette aventure est assez parlante. On est en présence de phénomènes d'aveuglements scientifiques complets. A chaque fois, chacun défend sa chapelle. Wheeler de la CTIA ne résonne pas en termes d'éthique, il veut préserver les marchés de ses employeurs. Ainsi, va-t-il mettre en cause les constructeurs de pacemakers.

Carlo n'a pas la liberté de parole face aux journalistes. Wheeler, de la CTIA, fait en sorte de contrôler la communication.

O.M. : C'est un phénomène global. Un journaliste sait très bien, quand il interviewe le PDG d'une entreprise, que son interlocuteur ne va pas forcément jouer la transparence. Les «chargés de communication» veillent ! Ceci dit, c'est tout a fait compréhensible. Une entreprise n'a pas forcément envie d'expliquer comment elle travaille. Là où sa devient ennuyeux sur le plan moral et éthique c'est lorsqu'il existe un risque de la santé publique. La parole encadrée dont a fait l'objet Carlo avec la CTIA est, universelle.

Carlo déclare lors d'une conférence : " Jusqu'à présent ça va ". Wheeler panique car cela sous entend qu'il y a un problème sur le plan de la santé avec le téléphone portable.

O.M. : Au fur et à mesure que je traduisais son ouvrage, je me disais, mais comment Carlo a-t-il pu se montrer aussi naïf ? Voilà qu'un grand lobby le paie pour qu'il prouve l'innocuité des téléphones cellulaires. Au tournant du livre, Wheeler et ses conseillers en communication qui impressionnent Carlo, lui disent : "Non ! Vous ne pouvez pas dire « jusqu'à présent ça va », car cela suppose que ça pourra aller plus mal dans l'avenir." Carlo, pour la première fois se montre ferme : "Je suis un scientifique. Il n'est pas question que je déclare : je suis sûr que le GSM n'est pas dangereux " Ses ennuis vont commencer quelques temps après.

En France Canal + est derrière SFR via Universal Vivendi. TF1 est derrière Bouygues Télécom. Quand deux secteurs, l'un audiovisuel, l'autre des télécommunication, se rapprochent, est-ce que ça ne pose pas le problème d'indépendance des journalistes ?

O.M. : Oui ! Vous répondez à la question. Je ne mets pas en doute l'intégrité de mes confrères. J'ai été rédacteur en chef de plusieurs revues et je sais par expérience que nous sommes soumis à des pressions. C'est effectivement du domaine du possible. Je ne sais pas si l'éditeur a fait un énorme battage médiatique. Mais il me semble qu'il était clair pour lui que les chaînes de télévisions ne citeraient pas beaucoup l'ouvrage. Existe-t-il un lobby en France ? On peut se poser la question. C'est un phénomène global qui définit l'éthique entre journaliste et entreprise, qui va bien au-delà du secteur de la téléphonie.

Quel est votre sentiment après la traduction de ce livre ?

O.M. : J'ai l'impression que nous sommes au stade zéro de la communication sur ce phénomène en France. La rumeur court sur les dangers du portable. On ne prend pas le problème à bras le corps. J'aurais aimé que ce livre chez ce petit éditeur soit un pavé dans la mare et que les médias le relaient.

Les associations qui luttent contre l'implantation sauvage des pylônes relais font bouger les choses tout de même.

O.M. : Peut-être mais le débat autour des pylônes relais est-il le bon ?. Ne passe-t-on pas à côté de l'essentiel, le portable que les gens se pressent contre la tempe ?

Le téléphone portable vous semble plus une priorité ?

Olivier Magnan emprunte une fourchette à la table d'à côté et la tend en l'air.

O.M. : En ce moment dans ce morceau de métal toutes les ondes acoustiques, électromagnétiques, radio FM, TV sont en train de faire vibrer les atomes de cette fourchette. Nous sommes pénétrés en permanence par des flux continus d'ondes. Carlo dit que se coller cette antenne contre la tempe en permanence est directement dangereux que la proximité d'une antenne relai.

Sauf peut-être pour les riverains.

O.M. : Relisez Carlo : à partir du moment où vous éloignez l'antenne de dix centimètres, il n'y a plus de danger. Le kit piéton est semble-t-il la parade élémentaire pour éloigner tout danger. Les fabricants insiste Carlo, devraient agir en ce sens. Surtout, il déconseille l'utilisation d'un portable auprès des enfants jusqu'à 16-17 ans. Tant que le système nerveux n'est pas construit, il y a risque. Au-delà, les dangers demeurent,  mais ils sont moindres. Ce qui se passe aux Etats-Unis se répercutent cinq ans après en Europe en règle générale. Aujourd'hui, nous sommes à « l'avant Carlo » en France.

Propos recueillis par Phil Marso - Le 22 décembre 2001

Biographie Olivier Magnan

Journaliste d’expérience, depuis plus de vingt ans rédacteur en chef, directeur de rédaction ou éditeurs de magazines aussi éclectiques que sa curiosité se montre ouverte – Photo, cinéma, informatique professionnelle et grand public, environnement, Afrique, Internet…La passion pour la connaissance se traduit jusqu’au 14 janvier sur BFM où il écrit et présente chaque jour la chronique Sciences info, reconnue pour sa clarté et le ton du conteur.

La traduction et l’écriture constituent le 3e pôle de ses métiers tournés vers la vulgarisation. Coauteur d’un guide Web, il a retraduit en 1999 l’autobiographie de Franck Zappa (Zappa par Zappa, éd. de l’Archipel) et le témoignage clé du Dr George Carlo (Téléphones portables, oui, ils sont dangereux !, éd. Carnot) dont il est ici question.

Il travaille en ce moment à la rédaction en chef d’un site à venir sur la sexologie, collabore avec une agence de communication institutionnelle et prépare, en collaboration, un ouvrage sur le retard des hauts débits en France.

© MEGACOM-IK & Phil Marso / 2001 - . Si vous détectez des fautes d'orthographes dans cette interview, veuillez prévenir l'auteur Phil Marso. Merci d'avance ! - Lire d'autres interviews.

 
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